« La gestion des plaintes fait un grand pas en avant »
Nouveaux codes pour l’enregistrement de l’insatisfaction
Les services des plaintes et les gestionnaires des plaintes au sein des entreprises d’assurances utilisent cette année de nouveaux codes pour l’enregistrement des plaintes. L’actualisation de la codification s'imposait en raison de l’arrivée de nouveaux produits d’assurance et de motifs de plaintes sous-jacents supplémentaires. Dans la perspective d’aboutir à une uniformisation maximale de la pratique au sein des différentes entreprises, le groupe de travail permanent Gestion des plaintes d’Assuralia a pris l’initiative en la matière. Assurinfo s’est entretenu avec Johan Claes (AG Insurance), président de ce groupe de travail.
À quel point cette nouvelle codification des plaintes au sein des entreprises d’assurances est-elle importante ?
Johan Claes (JC) : Avec cette nouvelle codification, la gestion des plaintes fait un nouveau grand pas en avant. Il s’agit en réalité de la poursuite de nos efforts en vue de professionnaliser la gestion des plaintes et d’aboutir à une plus grande uniformité au sein du secteur. Si l’on jette un regard en arrière, on constate que le secteur de l’assurance a véritablement été avant-gardiste dans le domaine de la gestion des plaintes au cours des dix dernières années. Ainsi, nous avons été un des premiers secteurs à élaborer des règles de conduite à ce sujet. Même les lignes directrices de l’EIOPA en la matière (de 2012) présentent des parallèles avec nos règles de conduite (de 2007, adaptées en 2012 et 2015).
Une autre étape importante fut de s’accorder sur une définition univoque et acceptée par tous de la notion de plainte, en d’autres termes sur ce que les gestionnaires doivent effectivement traiter ou non en tant que plainte. Il s’agit de ce que l’on appelle les critères de reconnaissance qui font à l’heure actuelle également partie des règles de conduite. De très nombreuses entreprises d’assurances les reprennent dans leur manuel et dans la formation dispensée aux gestionnaires de plaintes.
Avec les nouveaux codes actualisés pour l’enregistrement des plaintes au sein des entreprises d’assurances, nous effectuons en tant que groupe de travail Gestion des plaintes un très grand pas vers un monitoring et un reporting de qualité, tant en interne qu’en externe. La nouvelle codification permettra tant au secteur qu’à l’entreprise individuelle d’encore mieux identifier les points d’attention. Le monitoring a également été élargi au moyen de codes spécifiques pour les plaintes concernant par exemple les règles de conduite et de protection de la vie privée qui n’avaient auparavant pas de place bien définie et pour lesquelles le superviseur avait déjà exprimé son intérêt précédemment.
La nouvelle codification sera introduite progressivement, compte tenu des adaptations informatiques qui doivent parfois être apportées aux outils d’enregistrement. Dans l’entreprise pour laquelle je travaille, l’outil d’enregistrement des plaintes a déjà été adapté à toutes les nouveautés.
Quels autres dossiers occupent également le groupe de travail Gestion des plaintes ?
JC : À l’été 2024, nous avons lancé une nouvelle procédure visant à laisser le soin au service des plaintes de l’entreprise concernée de s’occuper de certaines plaintes reçues par l’Ombudsman des assurances. Auparavant, il s’agissait d'une simple recommandation formulée au plaignant. Pour des interventions ou des plaintes plutôt simples, l’Ombudsman des assurances proposait à l’intéressé de prendre d’abord contact avec le service des plaintes de l’entreprise. Toutefois, personne n’était en mesure de suivre ou d’examiner ce que toutes ces personnes faisaient de cette recommandation. De nombreuses demandes d’intervention se sont ainsi peut-être perdues. À la suite d’une adaptation du règlement de procédure de l’Ombudsman des assurances, il est dorénavant possible de renvoyer directement ces demandes d’intervention au service des plaintes de l’entreprise concernée. Il s’agit d’une grande amélioration.
Il y a une dizaine d’années, Assuralia avait plaidé pour un traitement obligatoire en première ligne, à l’instar de ce qui se fait au sein de nombreux autres secteurs comme le secteur bancaire. Jamais aucun arrêté royal n’a toutefois été pris. Depuis 2023-2024, il existe une sorte d’entente avec l’Ombudsman des assurances pour évoluer vers un système hybride, une sorte de solution intermédiaire. Il n’était pas si évident de préparer les services des plaintes à cette évolution. Ladite nouvelle procédure est entrée en vigueur l’été dernier. L’intention ou du moins le souhait avoué des entreprises est que le plus grand nombre possible de demandes d'intervention reçues par l’Ombudsman des assurances soient renvoyées vers le service des plaintes de l’entreprise concernée en vue d’un traitement en première ligne. Cela donne en effet l’opportunité à l’assureur de réexaminer tout d’abord lui-même une situation et de rectifier les choses si possible. L’Ombudsman des assurances traitera évidemment toujours lui-même les plaintes plus complexes ou les dossiers dans le cadre desquels la relation entre l’assureur et l’assuré s’est détériorée. Le nouveau système a connu un démarrage plutôt timide. Nous évaluerons prochainement les six premiers mois en collaboration avec l’Ombudsman des assurances. Il s’agit en tout cas d’une nouveauté très positive qui peut continuer à se développer.
« Une plainte est une opportunité de fidéliser le client », comment ça ?
JC : La relation entre l’assureur et l’assuré se limite parfois pendant des années au paiement de la prime. Un sinistre, mais aussi une plainte éventuelle, est un moment de contact important dans cette relation. Les études l’ont déjà démontré : lorsqu’une plainte est traitée d’une manière correcte et que la confiance avec le client est rétablie, la fidélité de ce dernier est ensuite dix fois plus grande que celle d’une personne qui n’a jamais exprimé aucune insatisfaction. Le traitement des plaintes est en effet un instrument important pour œuvrer à la rétention des clients.
Certaines choses peuvent parfois mal se passer, mais une plainte offre presque toujours une belle opportunité de renforcer la relation avec le client. Si l’on écoute bien le client, qu’une solution est apportée à son problème ou qu’une explication claire est fournie, cela profite à l’image de l’entreprise.
Quels sont les dossiers sur la table pour les prochains mois ?
JC : Après l’évaluation ainsi que l’adaptation et l’élargissement éventuels du nouveau renvoi des plaintes de l’Ombudsman des assurances vers les services des plaintes de première ligne, le groupe de travail mènera également un débat sur le bien-fondé des plaintes. À l’heure actuelle, environ 40 % des plaintes traitées sont considérées comme fondées. Nous constatons toutefois de grandes différences entre les pourcentages de plaintes fondées par entreprise. Un certain nombre d’entreprises examinent le bien-fondé ou non sous un angle plutôt juridique. S’il n’y a pas de raison contractuelle d’intervenir dans le cadre d’un sinistre donné parce que l’incident n’est pas couvert, la case « non fondée » peut être cochée. Mais que faire de cette même plainte s’il s’avère également que des informations insuffisantes ou imprécises ont été fournies ou que la communication avec la personne lésée/le plaignant ne s’est pas déroulée comme elle l’aurait dû ? Dans de tels cas, la plainte mérite tout de même bien d’être considérée comme « fondée ». Ce débat s’annonce passionnant.
Une autre mission est la refonte des enquêtes annuelles d’Assuralia compte tenu de l’introduction de la nouvelle codification.
Comment se déroule la collaboration entre le groupe de travail et l’Ombudsman des assurances ?
JC : Très bien. Ces dernières années, un représentant de l'Ombudsman des assurances prend systématiquement part au groupe de travail et cette présence apporte une valeur ajoutée pour les deux parties. Une vingtaine de responsables des plaintes participent chaque fois aux réunions, lors desquelles les bonnes pratiques sont partagées et discutées.
Outre la nouvelle procédure relative au renvoi des plaintes, la mise en service d’un nouveau système de gestion au niveau de l’Ombudsman des assurances est un sujet qui a également nécessité une grande attention. Le groupe de travail a centralisé l’ensemble du feed-back des membres, si bien que les maladies de jeunesse du système ont été rapidement résolues. Cet exemple illustre le fait que la concertation entre les services des plaintes de première ligne et l’Ombudsman des assurances par le biais du groupe de travail se déroule de manière très constructive. Nous avons en effet des objectifs convergents, à savoir veiller à un traitement des plaintes de qualité et efficace au sein du secteur de l’assurance au profit du consommateur.
Une dernière question pour conclure : le consommateur est-il plus critique qu’il y a 10 ans ?
JC : Ces dernières années, surtout depuis la crise du coronavirus, nous remarquons un changement de mentalité : le consommateur est plus exigeant, plus inflexible. Il n’y a toutefois pas de raison de paniquer : la grande majorité des consommateurs sont bel et bien raisonnables. Nous recevons régulièrement des remerciements pour l’explication claire fournie après une plainte ou pour l’aide apportée.
Le nombre total de plaintes enregistrées au sein du secteur reste d’ailleurs stable et fluctue aux alentours de 30.000 dossiers de plainte par an. L’insatisfaction exprimée au sein du secteur est évidemment bien plus large. Les intermédiaires d’assurances ou les personnes de contact habituelles de l’assuré prennent en charge une grande partie de la première vague d’insatisfactions. Ils représentent le premier point de contact pour le client. Lorsque ce dernier ne trouve pas de solution à son problème à ce niveau, il s’adresse au service des plaintes de l’entreprise. Dans la réponse du service des plaintes, qui est dans 80 % des cas envoyée endéans les deux semaines, le plaignant est enfin systématiquement informé de la possibilité restante de saisir l’Ombudsman des assurances s’il n’est pas satisfait de cette réponse.