Ruth Verstraete : « Prendre soin de la santé, c’est assumer notre rôle sociétal par le biais de la prévention
Dans le cadre de notre série « 5 questions à un assureur à la tête d’une division au sein d’Assuralia », c’est au tour de Ruth Verstraete de se prêter à l’exercice. La CEO de DKV Belgium dirige la branche Santé auprès de la fédération.
- Les frais médicaux restant à charge du patient sont élevés. Il existe clairement un marché pour les assurances complémentaires. Que faut-il pour le développer ?
Ruth Verstraete (RV) : Commençons par donner un peu de contexte. Des chiffres de 2023 démontrent que le coût des soins de santé en Belgique s’élève à 60 milliards, 25 % de ce montant restant à charge du patient, dont une grande partie concerne des frais ambulatoires. Les assureurs maladie complémentaire ont donc certainement un rôle à jouer dans le domaine des soins ambulatoires.
Dans la société, nous constatons également un problème d’accès à des soins financièrement abordables. De plus en plus de gens reportent des soins ambulatoires, en particulier des soins dentaires, en raison de leur coût. Nous avons donc là aussi un défi à relever : créer un accès à ces assurances complémentaires. Et avec le vieillissement de notre population, nous savons que le coût global des soins de santé va encore augmenter.
Si l’on rassemble tous ces facteurs, il existe à coup sûr, selon moi, un potentiel pour développer ce marché des assurances soins ambulatoires.
Comment allons-nous développer cela au niveau du secteur ? Dans une première phase, il est certainement nécessaire d’accroître la prise de conscience. Peu de citoyens ont conscience du montant des frais qui leur restent en fait à payer, ce que l'on appelle le « out-of-pocket ». Cette prise de conscience est faible, car il s’agit rarement d’un seul gros montant, mais plutôt de nombreuses petites factures sur base annuelle.
Améliorer cette prise de conscience représente un enjeu, non seulement pour les assureurs proprement dits, mais aussi pour les autorités. Mettre en avant l’importance de la prévention, souligner l’intérêt de contrôles réguliers : c’est là une mission pour tous les acteurs.
Bien entendu, les employeurs restent eux aussi un groupe cible ; une couverture pour les soins ambulatoires peut constituer un beau complément aux avantages qu’ils offrent déjà à leurs employés. Les plans cafétéria, les systèmes de rémunération flexible, etc., peuvent également contribuer à stimuler la prise de conscience. Naturellement, les opportunités de croissance à ce propos dépendront en partie de la conjoncture économique.
- Les assureurs s’efforcent en permanence d’améliorer et de faciliter le parcours client. La digitalisation y a déjà joué un grand rôle. Qu’en est-il exactement dans la branche Santé ?
RV : La digitalisation a également trouvé sa place dans la branche Santé et de nombreux assureurs santé disposent d’une plateforme numérique.Les fonctionnalités peuvent, il est vrai différer d’une entreprise à l’autre.
Une étape importante dans l’amélioration du service a bien entendu été l’introduction de systèmes du tiers payant (Medi-Card, AssurCard et autres), grâce auxquels la facture est envoyée directement à l’assureur concerné. Des innovations plus récentes sont Assurpharma (le réseau entre les pharmaciens et les assureurs) et Assurmed (le réseau entre les prestataires de soins et les assureurs), l’objectif étant d’alléger les démarches pour l’assuré/le patient et de le rembourser rapidement, conformément aux conditions contractuelles.
Une remarque importante à cet égard concerne la sécurité de toutes ces transactions et applications. Toute nouveauté implique à chaque fois un volet important et à forte intensité de main-d’œuvre en termes de sécurité informatique, d’une part, et de législation sur la protection de la vie privée, d’autre part.
- Prévention. Les assureurs peuvent-ils faire davantage dans ce domaine à l’avenir ?
RV : En tant qu’assureurs maladie, nous pouvons certainement jouer un rôle encore plus important dans ce domaine, et donc faire plus que simplement assurer et rembourser. Nous devons assumer ce rôle social, cet engagement sociétal, et contribuer à éviter que les gens ne tombent malades. J’aime appeler cela prendre soin de la santé. Cela peut se traduire de différentes manières.Nous intégrons de plus en plus la prévention dans nos produits d’assurance, comme ceux pour les soins ambulatoires, en remboursant des bilans de santé (check-up), ce qui contribue bien entendu à la détection à temps d’éventuels problèmes de santé. Dans le cadre de l’activité revenu garanti où nous devons faire face à un nombre croissant de malades de longue durée, nous regardons avec les employeurs ce que nous pouvons leur proposer comme initiatives préventives. Cela concerne par exemple la détection de troubles psychiques chez les travailleurs et l’accompagnement de ces derniers.
- Les troubles psychiques entraînent de plus en plus souvent des maladies de longue durée. Cela nous amène aux trajets de réintégration proposés par les assureurs.
RV : En effet, en Belgique, on compte plus de 500.000 malades de longue durée, ce qui montre clairement qu’un soutien est nécessaire pour aider ces gens à reprendre le travail et à s’y maintenir.
Dans certaines couvertures revenu garanti (en particulier dans un contexte collectif), les assureurs proposent des trajets de réintégration. A cet égard, nous faisons intervenir des tiers spécialisés disposant d’une grande expertise dans ce domaine, ainsi qu’en matière de sensibilisation.
Et ces trajets donnent également des résultats : nous constatons que 50 % des gens donnent suite à cette offre, et mieux encore, 70 % des personnes qui suivent un tel parcours par notre biais peuvent retourner au travail et y rester. Les actions que nous entreprenons dans ce domaine ont donc un certain taux de réussite.
En parallèle, des trajets de réintégration sont également mis en place dans le cadre du premier pilier. Il importe d’unir les forces, de rassembler les informations disponibles des deux côtés, de manière à pouvoir atteindre davantage de personnes et à éviter les doublons.
- Enfin, quels sont les principaux défis pour les assureurs santé dans les années à venir ?
L'intégration de nouvelles technologies, comme l’IA générative, en soins de santé et leur acceptation par les citoyens représentent un défi, tout comme la poursuite de la digitalisation des services à destination du client et ce, de manière sécurisée et correcte.
Maintenir le coût des soins de santé à un niveau abordable ne constitue pas un défi nouveau, mais cela reste une préoccupation majeure.
A cet égard, il existe deux points d'attention importants : la réforme du financement des hôpitaux et la limitation des excès en matière de suppléments d'honoraires (comme le prévoit l’accord de gouvernement).
Des discussions récentes montrent à quel point ce sujet est complexe, avec un grand nombre de parties prenantes autour de la table.
Les assureurs santé souhaitent être un partenaire des autorités en contribuant à la réflexion sur des solutions. Une écoute plus régulière de la position de notre secteur et la possibilité de partager notre expertise et nos idées engendreraient sans aucun doute une évolution positive à terme. Les assureurs seraient alors perçus de plus en plus comme des acteurs pleinement engagés dans cette dynamique.